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La chronique de Thierry Lhermitte du 28 novembre 2022

Chronicle

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11.30.2022

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Pour sa visite mensuelle aux chercheurs soutenus par la Fondation pour la Recherche Médicale, Thierry Lhermitte s'est rendu à l’Hôpital européen Georges Pompidou pour y rencontrer l’équipe du Professeur Xavier Jouven. Il est épidémiologiste et cardiologue, spécialiste des troubles du rythme. Il mène des recherches sur la mort subite au Centre de Recherche Cardiovasculaire De Paris et dirige aussi le Centre d’Expertise de la Mort Subite. 


La mort subite, c'est quoi ?

C’est un arrêt du cœur qui survient de manière brutale et inattendue. On a en tête l’image du sportif qui s’écroule en plein match, mais ce n’est pas le plus fréquent, ça arrive partout, surtout à domicile en réalité. 

Quoi faire ? Appeler les secours et commencer immédiatement un massage cardiaque pour donner une chance à la victime de s’en sortir.

La cause de la mort subite ?

Le plus souvent, ça part d’un infarctus du myocarde, mais ça peut aussi être une maladie cardiaque congénitale ou une anomalie électrique, qui n’est pas connue, ce sont des personnes sans symptôme. Il peut parfois y avoir des alertes avant, un malaise, des convulsions. Il faut impérativement consulter.

Le nombre de cas en France

C’est assez énorme en fait, puisque ça touche plus de 40 000 personnes en France chaque année, soit un arrêt cardiaque toutes les 10 minutes ! Et un tiers des victimes a moins de 55 ans.

Combien de personnes s’en sortent ?

Malheureusement seulement 7 % en France. Ce taux de survie a quand même doublé au cours des 10 dernières années, notamment grâce au Pr Jouven, qui a milité en faveur de la mise en place des défibrillateurs dans l’espace public, en faveur de la formation au massage cardiaque. Il a aussi créé, en 2011, le Centre d’Expertise de la Mort Subite, à Paris, qui fait collaborer tous les acteurs pour faire du soin, de la prévention, de la recherche et de l’enseignement. C’est un centre unique en France, et il collecte également toutes les données issues des cas de mort subite à Paris et en petite couronne : des pompiers, du SAMU, des hôpitaux... Cette collecte exhaustive est inédite au niveau mondial et elle est très importante, notamment pour le travail de son équipe sur les statistiques.

Quelles sont ses recherches ?

Depuis le début de sa carrière, le Pr Jouven travaille non seulement à améliorer la prise en charge, mais aussi à essayer d’identifier les personnes à risque de mort subite pour faire de la prévention. Ce qui n’est pas une tâche facile, vous allez comprendre !

Comment s’y prend-il ?

Par les mathématiques et l’intelligence artificielle. La particularité de Xavier Jouven, c’est qu’il a été formé aux statistiques au début de son cursus. Son équipe mélange les disciplines, médecins, ingénieurs, mathématiciens, mais tout le monde dans son laboratoire parle un langage commun : celui des statistiques. Et tout ça pour faire de l’épidémiologie, c’est-à-dire faire parler les données de santé dans l’objectif de comprendre les affections (ici la mort subite), leur répartition, leurs facteurs de risque, etc.

La première découverte de Xavier Jouven a fait grand bruit dans le monde entier. C’était en 1999 : pour la première fois, grâce aux statistiques, il avait identifié un facteur de risque pour la mort subite. Et c’était quoi ? Le fait d’avoir un de ses parents victime lui-même d’une mort subite, qui multiplie par 2 le risque. Et si c’est les deux parents, le risque est multiplié par 10 !

Une composante génétique et aide de l'intelligence artificielle

Malheureusement les études génétiques, menées par d’autres équipes ensuite, ont été décevantes. Le Pr Jouven, lui, a continué à travailler sur le rôle du rythme cardiaque. Il a fait des découvertes intéressantes dans les années suivantes, certes, mais sans parvenir, avec les statistiques classiques, à mettre au point un modèle prédictif, un modèle qui puisse identifier les personnes à risque de faire une mort subite.

C’est là, en 2011, qu’il s’est tourné vers l’intelligence artificielle. L’idée qu’il a eue, c’est de faire confiance aux algorithmes pour exploiter la base de données du SNDS, le Système National des Données de Santé, qui est piloté par l’Assurance maladie et qui centralise les données de santé de tous les Français.

C’est une base de données unique au monde, avec toutes les consultations, les examens, les diagnostics et les traitements de la totalité de la population. L’objectif c’est de chercher, chez les gens qui ont été victimes d’une mort subite, des signes avant-coureurs, des facteurs de risque durant les années antérieures. Sans a priori médical. Pour cela il a obtenu toutes les autorisations nécessaires bien sûr et en réalité ça s’est avéré extrêmement complexe et long avant de parvenir à cet objectif.

Car en fait, les données initiales ne sont pas structurées... Pour le dire autrement, elles ne sont pas prêtes à être exploitées. Et il a fallu énormément de temps à l’équipe, plus de 3 ans, pour les nettoyer, les organiser et les rendre exploitables, grâce à une collaboration étroite entre les médecins et les ingénieurs.Comme le souligne le Pr Jouven, le vrai défi est là, dans la préparation des données.

Pour vous rendre compte et résumer, cela représente 311 000 individus, 14 années de données étudiées, 7700 fichiers analysés, 21 millions de diagnostics hospitaliers, 41 millions d'examens médicaux, 220 millions de médicaments délivrés

Quels résultats aujourd’hui ?

L’équipe est parvenue à un modèle prédictif : l’intelligence artificielle peut identifier, en population générale, les personnes ayant plus de 90 % de risque d’être victime d’une mort subite dans l’année ! L’objectif, maintenant, c’est de faire un essai d’observation pour voir sur une année si ces prédictions sont valides.

Si c’est le cas, il faudra ensuite faire un autre essai, en supprimant les facteurs de risque identifiés pour montrer qu’on arrive effectivement à prévenir la mort subite.

Et si ça marche ?

L’ambition du Pr Xavier Jouven, c’est de mettre en place une campagne de dépistage, comme celle du cancer du sein ou du côlon, où chaque personne identifiée comme étant à risque serait invitée à consulter. Le médecin aura le profil de risque personnalisé de son patient : son facteur de risque numéro 1, puis le numéro 2, etc. De quoi intervenir efficacement pour les réduire. C’est vraiment révolutionnaire ! Alors qu’on parle de plus en plus de médecine personnalisée, là on touche à la prédiction personnalisée. Et une nouvelle ère en médecine pourrait s’ouvrir grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle.

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