Thierry Lhermitte est parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale. Une fois par mois, il intervient sur les ondes de France Inter pour évoquer un projet scientifique.
Thierry s'est rendu au Collège de France, pour visiter le laboratoire de Laurent Venance, spécialisé dans les neurosciences et l’étude de la mémoire. Avec son équipe, dont le Pr Bertrand Degos, neurologue à l’APHP, il essaie de mettre au point une thérapie innovante dans la maladie de Parkinson.
La maladie de Parkinson
C'est une maladie neurodégénérative dans laquelle certains neurones du cerveau disparaissent progressivement, entraînant différents symptômes mais surtout des problèmes moteurs. On n'en connaît pas l'origine, mais elle est multifactorielle. Il y a à la fois une susceptibilité individuelle et des facteurs environnementaux. L'exposition aux pesticides est un facteur de risque établi. La maladie de Parkinson est reconnue comme maladie professionnelle chez les agriculteurs.
Combien de cas en France ?
C'est la deuxième maladie neurodégénérative après Alzheimer, soit environ 200 000 malades soit 30 000 nouveaux cas par an. Mais ces chiffres risquent de doubler d'ici 2030, du fait du vieillissement de la population. C'est une maladie dont le diagnostic est posé tardivement, en moyenne vers 75 ans.
Quels sont les symptômes ?
Il y a deux types de symptômes des symptômes moteurs. D'abord, le ralentissement des mouvements, ce que les médecins appellent l'akinésie, les patients peuvent avoir aussi une raideur des muscles et une voix plus faible. Et le symptôme le plus connu, c'est le tremblement de repos. Mais en réalité, il n'est présent que chez 70 % des malades. Il faut rappeler, à contrario, que tout tremblement ne veut pas dire maladie de Parkinson.
Et à côté de ces symptômes moteurs, il y a une flopée de symptômes non moteurs. Ça peut être de la dépression, des troubles du sommeil, des troubles cognitifs, des troubles digestifs.
Est-ce qu'on sait ce qu'il se passe dans le cerveau ?
On connaît les mécanismes qui conduisent aux problèmes moteurs. Ils sont dus à la disparition de neurones particuliers situés dans une petite structure à la base du cerveau, la substance noire compacte. Or, ces neurones secrètent de la dopamine, une substance indispensable notamment à la planification et au contrôle des mouvements. Et il y a un seuil critique quand plus de 70 % de ces neurones ont disparu, les symptômes moteurs apparaissent.
Existe-t-il des traitements à la maladie de Parkinson ?
Il n'y a que des traitements symptomatiques. On ne sait pas encore guérir la maladie car au moment du diagnostic, la plupart des neurones à dopamine sont déjà morts. Et le traitement de référence c'est un médicament qui soulage les symptômes moteurs, transformé en dopamine dans le cerveau, ça marche généralement très bien et la plupart des patients récupèrent une grande partie de leurs capacités motrices. Mais après 5 à 10 ans, inéluctablement, l'efficacité de la L-DOPA diminue et il y a des fluctuations motrices et des effets secondaires qui apparaissent.
Quels sont les effets secondaires ?
C'est l'apparition de l'apparition de mouvements anormaux, parasites et invalidants. En médecine, ça s'appelle des dyskinésies. 90 % des patients présentent ces dyskinésies après neuf ans de L-DOPA. Au début, on peut ajuster les doses, augmenter le nombre de prises sur la journée, mais arrive un moment, il faut l'arrêter car le malade n'est plus soulagé. Donc là, il faut changer de traitement.
Il y a plusieurs possibilités. Des systèmes de pompe pour délivrer en continu de la L-DOPA ou de l'apomorphine une autre molécule. Et sinon la stimulation cérébrale profonde qui nous intéresse aujourd'hui, car Laurent Venance travaille depuis des années sur cette option.
En quoi consiste cette stimulation cérébrale profonde ?
Ça consiste à stimuler directement, par un courant électrique faible, une petite structure cérébrale située profondément dans le cerveau, le noyau sous-thalamique. Pour ça, on y implante de petites électrodes reliées à un boîtier de stimulation placé sous la peau. Cette technique fonctionne remarquablement bien. Les patients retrouvent à nouveau une motricité fluide, mais malheureusement, seuls 7 à 10 % des patients peuvent en bénéficier. Car comme il s'agit d'une opération de neurochirurgie très lourde, les critères sont très stricts.
Quel est le projet de Laurent Venance et de ses collègues ?
► Une recherche soutenue par la Fondation pour la recherche médicale.
L'objectif, c'est de trouver une solution moins invasive pour pouvoir bénéficier à davantage de patients. Toujours en stimulant directement le cerveau, mais en ciblant des structures plus superficielles. L'équipe espère ainsi pouvoir stimuler en surface du crâne au lieu de devoir opérer.
Comment procèdent-ils ?
L'équipe avait observé que le cortex moteur était trop actif. Le cortex moteur pour simplifier, c'est une région superficielle, assez large du cerveau, impliquée dans le contrôle des mouvements volontaires. Or, la stimulation cérébrale profonde agit sur ce que sur ce cortex hyperactif localement.
Le raisonnement de l'équipe c'est de se demander est-ce qu'on pourrait pas remplacer une cible profonde, le noyau sous thalamique, par une autre plus superficielle ? Le problème, c'est qu'en stimulant directement une région aussi importante que le cortex moteur, on risque d'agir sur des tas de cellules et d'interférer avec des tas de mécanismes et donc de s'exposer à des effets secondaires pires que le remède.
Il fallait donc affiner la cible. L'équipe à commencer par identifier pas à pas, au cœur du cortex moteur, les cellules nerveuses qui pouvaient être ciblées précisément. Elle a réalisé des expériences de stimulation cérébrale profonde en enregistrant les différents types de neurones du cortex chez des souris parkinsoniens. Résultat ces chercheurs ont découvert les cellules du cortex moteur qui sont activées par la stimulation cérébrale profonde. Ce sont des neurones particuliers appelés interneurones ; ils régulent les neurones qui commandent le mouvement. Ce sont des années de travail.
Comment remplacer la stimulation cérébrale profonde ?
Par la lumière, ça s'appelle l'optogénétique. L'idée, c'est de modifier génétiquement uniquement les neurones à cibler et leur faire exprimer une protéine qui sous l'effet d'une lumière spécifique, va permettre leur activation. On peut donc télécommander l'activité des neurones ciblés par la lumière. Et quand ils sont spécifiquement activés par la lumière, certains interneurones superficiels ont bien reproduit les effets de la stimulation cérébrale profonde.
Actuellement, l'équipe place une petite LED à la surface du crâne des souris parkinsoniennes et refait tous les tests de comportement. Et ces premiers résultats sont extrêmement prometteurs. Comme les applications de l'optogénétique en médecine commencent à se développer, L'équipe espère bien parvenir à développer cette solution innovante chez l'homme très bientôt.
Crédit photo : Radio France / Christophe Abramowitz
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