Thierry Lhermitte est parrain de la Fondation pour la Recherche Médicale. Une fois par mois, il intervient sur les ondes de France Inter pour évoquer un projet scientifique.
Il s'est rendu dans le laboratoire de Matthieu Mahévas, immunologiste à l'Institut Necker Enfant Malades et exerçant à l'hôpital Henri Mondor de Créteil.
Quelques rappels sur le Covid-19
Rapidement : le SARS-CoV-2 appartient à la famille des coronavirus qui compte à ce jour 7 virus différents.
Quatre sont des virus saisonniers, qui nous donnent le plus souvent de simples rhumes. Mais 3 autres types plus virulents ont émergé récemment et provoqué des épidémies d’infections respiratoires graves, parfois mortelles :
- D’abord le SARS-CoV-1, de 2002 à 2004.
- En 2012, le MERS-CoV
- Et depuis 2 ans, c’est le SARS-CoV-2, qui aurait déjà fait au moins 5 millions de morts à travers le monde.
La mémoire immunitaire en question
Ainsi que son équipe de deux jeunes brillants chercheurs, Aurelien Sokal et Pascal Chappert, ainsi que Claude-Agnès Reynaud et le Pr Jean-Claude Weill, qui ont collaboré avec lui sur ce sujet.
Ce travail associe de nombreux autres contributeurs, tous spécialisés dans l’étude du système immunitaire. Quand la pandémie est arrivée, ils ont mis leurs compétences au service de la lutte contre le Covid-19.
La mémoire immunitaire, qu'est-ce que c'est ?
Notre système immunitaire nous protège des agents pathogènes, comme les virus ou les bactéries. Il est capable de développer une mémoire, c’est-à-dire de se souvenir de chaque agresseur qu’il rencontre. De sorte que, si l’on entre en contact une deuxième fois avec le même virus ou la même bactérie, nos défenses sont activées plus rapidement et plus efficacement.
Cette mémoire immunitaire est assurée par deux types de cellules immunitaires :
- Les cellules B à mémoire, qui ont à leur surface un récepteur, une sorte de pince chargée d’attraper les antigènes, c’est-à-dire les protéines présentes à la surface de l’agent pathogène, virus ou bactérie. Elles patrouillent dans le sang et quand elles ont capturé un antigène elles vont se spécialiser dans des centres germinatifs situés dans les ganglions lymphatiques et la rate. Là elles rentrent comme des 2CV et ressortent comme des Ferraris. De sorte que lorsque ces cellules B à mémoire rencontrent l’agresseur, elles sont activées et se transforment en cellules appelées plasmocytes.
- Les plasmocytes assurent la mémoire immunitaire. Ils migrent dans la moelle osseuse, (là où les cellules sanguines sont fabriquées) où ils s’installent pour fabriquer les anticorps destinés à neutraliser l’agresseur dans le sang. Une précision, les Plamocytes, les Lyphocytes tout ce qui est en cyte, ce sont des Cellules, c’est vivant, ça se reproduit. Rappelons que les Anticorps, ce sont des protéines, des produits chimiques, ils sont produits par les cellules.
Qu’est-ce ces chercheurs ont fait pour connaître la mémoire immunitaire après l’infection par les virus ?
Ils ont étudié des échantillons de sang de patients hospitalisés pour des formes graves de Covid et d’autres avec des formes moins sévères.
Mais la question était : combien de temps dure cette mémoire immunitaire ? Combien de temps les plasmocytes qui sont dans la moelle osseuse secrètent-ils leurs anticorps ? Car ça, ça dépend de l’agent infectieux. Pour la fièvre jaune, par exemple, ça dure toute la vie. Mais pour les coronavirus saisonniers, ceux qui donnent des rhumes, ça ne dure que 12 mois. Pour le savoir, ils ont suivi ces mêmes patients en prélevant leur sang 3 mois, 6 mois, puis un an plus tard.
Ils ont découvert trois choses
- D’abord, les patients qui ont eu le Covid ont des anticorps neutralisants, capables d’éliminer le virus, pendant au moins un an (c’est le recul qu’on a à ce jour) ;
- Ensuite, cette réponse immunitaire est un peu plus forte chez les malades sévères que chez les malades moins graves ;
- Enfin et surtout, la réponse immunitaire s’améliore au fil du temps grâce aux cellules B mémoire. Car elles maturent dans les ganglions et la rate, selon un processus très complexe.
- En cas de nouvelle rencontre avec le virus, elles peuvent alors se transformer en plasmocytes qui produiront des anticorps encore plus efficaces !
Et le vaccin, dans tout ça ? Quid de la 3e dose de vaccin ?
C’est la deuxième partie du travail animé par Matthieu Mahévas.
L’équipe a étudié le sang des patients ayant déjà eu le Covid et vaccinés 1 an après l’infection avec 1 dose de vaccin ARN messager. Ils ont aussi étudié le sang de personnes qui n’ont pas été malades et vaccinées avec les 2 injections recommandées.
La conclusion de leur travail, c’est que le rappel (la 1e injection de chez ceux qui ont eu le Covid et la 2e chez ceux qui ne l’ont pas eu) augmente considérablement la force et l’efficacité de la réponse immunitaire. Mais après deux doses de vaccin, les défenses immunitaires de ceux qui n’ont pas eu le Covid restent toujours inférieures à celles des anciens malades.
Quel a été l’impact de ces découvertes pour la stratégie vaccinale en France ?
Premièrement, Matthieu Mahévas a contribué à promouvoir qu’une seule dose après 6 mois suffisait après avoir eu le Covid-19.
Chez les gens qui n’ont jamais eu le Covid ou les personnes avec un système immunitaire faible (comme les personnes âgées), elle va permettre de booster fortement la mémoire immunitaire, de quoi conférer une protection efficace sur le long terme.
Ces travaux expliquent aussi que les personnes vaccinées peuvent, certes, être infectées et transmettre le virus, mais qu’elles ont la capacité de fabriquer en quelques jours des anticorps efficaces. De ce fait, elles font très peu de forme grave de Covid.
Et, cerise sur le gâteau, l’équipe a montré que les cellules immunitaires mémoire qui restent en veille sont capables de reconnaître tous les variants connus à ce jour et donc de produire rapidement des anticorps efficaces.
Crédit photo : Radio France / Christophe Abramowitz
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